mercredi 22 juillet 2009

Les trois crises du PS, par Henri Weber

Le Figaro

Paru dans Le Figaro du 16 juillet 2009
Par Henri Weber, Député européen, Secrétaire national adjoint chargé de la mondialisation

La débâcle du Parti socialiste français aux élections européennes s’explique par la combinaison de trois crises.

La première lui est propre : c’est la crise aigue de leadership dans laquelle il se débat depuis 2002. En démocratie médiatique et présidentielle, la question du leader est cruciale. Les électeurs votent à la fois pour un programme et pour la personne qui l’incarne. En l’absence d’un leader incontesté, le parti est cacophonique, donc inaudible. Il ne peut fonctionner comme un “intellectuel collectif”, car chaque présidentiable fait travailler ses équipes d’abord pour son propre compte. La faiblesse du centre dirigeant rend le parti incapable de maitriser sa communication et en fait le jouet des médias et de ses adversaires politiques.

Dans ces conditions, le parti peut avoir le meilleur des programmes, cela ne suffit pas. Le problème est dans l’émetteur, autant que dans le message. Le 7 juin 2009, les socialistes français ont d’abord payé le spectacle qu’ils ont donné aux Français en 2008 et, notamment, lors de leur calamiteux congrès de Reims.

La seconde crise est celle de la social-démocratie européenne. La vague rose des années 1996-97 qui avait porté les socialistes au pouvoir dans 13 Etats de l’Union européenne sur 15, se retire. Une puissante vague bleue lui succède.

Ce reflux a des causes multiples, mais la principale est l’échec relatif, -variable selon les pays- des politiques social-démocrates face à la mondialisation libérale.

Ces politiques visaient à sauvegarder l’essentiel des acquis démocratiques et sociaux des “Trente glorieuses”, dans un rapport de force devenu très défavorable aux salariés. De ce compromis défensif de crise, le peuple de gauche a surtout retenu la colonne négative : l’augmentation du chômage et de la précarité, la stagnation du pouvoir d’achat; l’affaiblissement et/ou la privatisation des services publics. Il y a eu des exceptions -Espagne, pays scandinaves…-, mais partout, on constate l’explosion des inégalités et une insécurité sociale et publique croissante pour les classes populaires. Une fraction importante de celles-ci s’est détournée, en conséquence, de la social-démocratie et de la gauche, au profit de l’abstention ou des populismes.

La social-démocratie du XXème siècle s’était donné les moyens de maitriser et d’humaniser un capitalisme industriel et national. Ces moyens ont perdu en efficacité, face à un capitalisme désormais mondialisé et dominé par la finance. Face, aussi, à une société fragmentée par un individualisme désagrégateur.

La troisième crise est celle de la gauche dans son ensemble. Crise de l’idéologie progressiste, du productivisme, et des utopies émancipatrices, qui promettaient des “lendemains qui chantent”…

Les lourdes défaites des partis socialistes en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Autriche, en Italie…, ne profitent pas, ou guère à l’extrême-gauche ou aux écologistes. Elles bénéficient principalement aux droites conservatrices-libérales ou populistes.

Il est vrai que celles-ci ont opéré un spectaculaire aggiornamento au cours de leur traversée du désert. Fredrik Reinfeld en Suède, David Cameron en Grande-Bretagne, Nicolas Sarkozy en France, Silvio Berlusconi en Italie, Angela Merkel en Allemagne ont su rénover leur discours, leur stratégie et leur posture, en s’appropriant sans vergogne, chacun à sa manière, les propositions les plus populaires de la gauche. Ils ont su retourner contre les socialistes l’arme de la “triangulation” maniée avec dextérité à leurs dépens par T. Blair, G. Schroeder, B. Clinton…

Pour retrouver son aura et sa vigueur, le PS doit surmonter ces trois crises.

Il doit tout d’abord régler sa crise de leadership. Il peut y parvenir à l’occasion des primaires socialistes ouvertes qu’il organisera au printemps 2011, pour désigner son ou sa candidat(e) à l’élection présidentielle. Martine Aubry s’est attaquée courageusement à ce chantier, en remettant le parti au travail.

Il doit contribuer, au sein du PSE, à surmonter la crise de la social-démocratie, en élaborant une réponse européenne à la crise du capitalisme contemporain et en édifiant les institutions internationales capable de la mettre en œuvre.

Il doit travailler au renouveau idéologique et programmatique de la gauche, en réalisant la synthèse entre le socialisme démocratique et les apports de l’écologie politique, du libéralisme culturel et du féminisme.

“Vaste programme”, aurait dit le général de Gaulle. Raison de plus pour ne pas perdre de temps. Trois conventions nationales sont prévues l’année prochaine pour renouveler le projet et les propositions socialistes.

Les commentateurs superficiels, qui, une fois de plus, portent en terre la social-démocratie, se trompent. Celle-ci a plusieurs fois fait la preuve de ses capacités de rebonds dans sa longue et tumultueuse histoire. Elle saura surmonter la crise qui la frappe aujourd’hui, comme elle a su surmonter les précédentes. Ni les Verts, ni l’extrême gauche ne sont capables de la remplacer. La vague bleue refluera à son tour et laissera place à une nouvelle vague rose. À condition que les socialistes procèdent à leur aggiornamento.

On ne voit pas pourquoi ils s’en dispenseraient.


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