mardi 22 septembre 2009

France, terre d'accueil ?




A Calais, la « jungle » démantelée

Le ministre de l’immigration Eric Besson l’avait annoncé le 16 septembre. Aujourd’hui c’est fait. Les migrants de la « jungle » de Calais ont été expulsés à l’aube. Désormais, les bulldozers ont remplacé les tentes de fortune.

« La jungle doit avoir disparu avant la fin de l’année", avait déclaré à Calais le 24 avril, le ministre de l’Immigration Eric Besson. Le 16 septembre dernier, il avait réitéré ses propos. Ce matin le démantèlement du camp a commencé.

276 interpellations

Jusqu’à 800 migrants ont vécu ensemble dans cet espace sablonneux, près du port de Calais, qu’ils ont surnommé « la jungle ». Des campements de fortune, des conditions de vie rudimentaires : le prix à payer pour essayer de rejoindre clandestinement les côtes anglaises de l’autre côté de la Manche.

A l’aube, des cars de CRS ont encerclé les lieux et des policiers ont investi le camp. Des centaines de migrants (majoritairement des jeunes afghans de l’ethnie pachtoune ayant échappé à la guerre dans leur pays) étaient encore présents sur place. Avec des militants de l’association No Border, qui ont tenté de faire barrage aux policiers, ils avaient préparé des banderoles écrites dans leur langue maternelle et en pachtoune pour dénoncer leurs conditions de vie.

Au total 276 migrants, dont 135 se déclarant mineurs ont été interpelés par la police, au cri de "no deportation", "des papiers pour tous". Selon l’entourage du préfet du Pas-de-Calais, Pierre de Bousquet de Florian, un militant "No border", parmi ceux qui s’étaient interposés, a également été interpellé et emmené par les policiers. D’autres militants neutralisés pendant l’opération ont été aussitôt relâchés.

Les migrants majeurs ont été placés en garde à vue, alors que ceux qui se sont déclarés mineurs ont été placés dans des "centres spécialisés", a précisé le préfet, au cours d’un point de presse sur place, perturbé par les militants associatifs.

Critiques de la gauche

Aussitôt annoncé, le démantèlement a suscité de vives réactions dans la classe politique à gauche. Le député PS du Pas-de-Calais, Jack Lang, a estimé que l’évacuation ne fera que "déplacer (…) et peut-être aggraver un peu plus" le problème, et que d’"autres jungles apparaîtront très vite", avant d’appeler à « une politique humaine qui à travers une pluralité de lieux d’accueils permettrait de rendre une dignité à ces personnes".

Jean-Luc Mélenchon, fondateur du Parti de gauche, a qualifié d’"opération de ratissage" l’évacuation de la "jungle", dénonçant "un spectacle cruel et obscène » organisé par le ministre de l’Immigration. Il s’est interrogé sur le futur des migrants : « Ce sont tous des Afghans -bonjour le signal d’échec de ce que nous faisons en Afghanistan- et ils ne seront pas renvoyés chez eux" et "quant aux autres, ils se sont égaillés dans la nature", a noté l’eurodéputé.

Même son de cloche du côté du PCF. Dans un communiqué, Marie-George Buffet s’est dite « scandalisée, indignée par l’opération médiatico-policière menée par le ministre de l’Immigration contre les migrants de la région de Calais » avant de s’interroger elle aussi sur l’avenir des migrants : « Comment peut-on traiter ainsi des hommes, des femmes, des enfants qui n’ont d’autre tort que d’avoir fui des guerres, la misère, et de tenter un avenir meilleur ?" » a-t-elle dit.

D’autres évacuations à venir

Après l’expulsion des migrants, une deuxième phase de l’opération va pouvoir commencer avec le déblaiement de toutes les installations de fortune. Les interventions sur les autres squats et campements sauvages de migrants devraient se poursuivre parallèlement.

Alors que la suppression de la "jungle" était en cours, le ministre de l’Immigration Eric Besson a annoncé sur RTL, "d’autres démantèlements" de campements de migrants "dans les semaines à venir". "Il y aura d’autres opérations dans les semaines à venir, nous ne laisserons pas les passeurs faire la loi le long de la Manche", a insisté le ministre, rappelant que "depuis plusieurs semaines, le préfet mène des démantèlements de squats et campements tout au long de la Manche".

De son côté, le préfet du Pas-de-Calais a souligné la nécessité de changer l’image de Calais. "A mesure que nous intervenons, nous faisons petit à petit cesser l’idée pour les passeurs que la solution pour les migrants est à Calais et que de Calais on passe en Grande-Bretagne", a-t-il souligné.

Avant l’annonce du démantèlement le 16 septembre, entre 700 et 800 migrants vivaient ensemble. Selon les associations humanitaires, des centaines de migrants avaient quitté la "jungle" au cours des dernières semaines pour échapper à l’arrestation.

Eléonore Tournier (avec AFP)


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