mercredi 2 juin 2010

Plan de casse de l'école publique

Les élèves devront serrer les rangs
DECRYPTAGE
   
Pour supprimer des postes, le ministère de l’Education envisage des classes plus chargées.
Par VÉRONIQUE SOULÉ
    
Manifestation le 26 novembre 2008 à Bordeaux contre la casse de l'éducation.
Manifestation le 26 novembre 2008 à Bordeaux contre la casse de l'éducation. (AFP)
   
   
Le courrier du ministère de l’Education qui a «fuité» dans la presse, donnant 13 pistes aux recteurs pour trouver des postes à supprimer en 2011, continuait hier de susciter un tollé. Les principaux syndicats enseignants, la première fédération de parents d’élèves (la FCPE) et l’Union nationale lycéenne (UNL) ont condamné cette nouvelle «saignée» - le chiffre de 16 000 suppressions de postes est avancé pour 2011 - qui va détériorer la qualité du service public. Retour sur les trois points qui font mal.

Augmenter le nombre d’élèves par classe

Le ministère liste 13 «leviers» d’économie qu’il détaille dans des fiches. Deux concernent la «taille des classes» qu’il est recommandé de grossir. Dans le primaire, les auteurs de la fiche sont catégoriques : «L’augmentation de la taille des classes peut être globalement envisagée sans dégradation des résultats des élèves.» Pour y arriver, ils suggèrent plusieurs moyens : regrouper ou fermer des petites écoles rurales, élever les seuils de création de classes… «Une augmentation d’un élève par classe en moyenne devrait se traduire au niveau national par une économie de près de 10 000 classes», rêvent-ils tout haut. Les écoles répertoriées «éducation prioritaire» devraient toutefois être épargnées.
Au collège, les auteurs sont plus hésitants : «Il n’est pas démontré que la taille des classes ait un effet probant sur la réussite des élèves.» Dans le doute, ils choisissent de charger les classes «afin d’optimiser les moyens d’enseignement» (les profs essentiellement). Là encore, ils se livrent à de savants calculs : en comptant 30 élèves par classe, on fait de sacrées économies… Mais, ajoutent-ils, il faut continuer à mettre plus de moyens dans les collèges fréquentés par un public défavorisé. Il n’empêche, le collège, souvent considéré comme un maillon faible du système, et qui va accueillir les enfants du baby-boom des année 2000, va être durement touché.
Pour le lycée aussi, l’avenir est menaçant. «La réforme offre des possibilités significatives d’optimisation aux établissements», écrit le ministère de l’Education nationale. Nicolas Sarkozy avait pourtant promis que cette réforme ne serait pas l’occasion de faire des économies.

Supprimer les Rased, les assistants de langues…

Les enseignants spécialisés dans l’aide aux élèves en difficulté, appelés Rased, sont dans le collimateur depuis trois ans. Ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, en mal d’économies, voulait en supprimer 3 000. Mais devant la mobilisation, il a dû en partie reculer. Cette fois, leur disparition est clairement évoquée. Les psychologues scolaires qui travaillent avec eux, épargnés jusqu’ici, sont aussi menacés d’«une mise en extinction». Mais cela ne devrait guère faire de différence pour les élèves, estime le ministère, car depuis la réforme du primaire, les professeurs des écoles font deux heures d’aide personnalisée par semaine pour les écoliers en difficulté. Le problème est qu’ils ne sont pas formés comme les Rased, et ne peuvent traiter les problèmes vraiment sérieux.
En cherchant bien, le ministère déniche des «marges» un peu partout. Dans le primaire, les écoles pourront se passer des assistants étrangers de langues (1 059 emplois) et des intervenants extérieurs (1 475). L’apprentissage des langues est pourtant présenté comme une priorité. Mais pour le ministère, les enseignants sont aujourd’hui formés pour cela et le feront aussi bien. Il attend aussi beaucoup de l’«optimisation» du remplacement : il s’agit en clair de recourir le plus possible à des vacataires - «une ressource plus flexible dont le rendement est proche de 100%» dans le primaire - plutôt qu’à des titulaires qui coûtent cher.

Bouter les deux ans hors de la maternelle

En 2008, le ministre Xavier Darcos avait eu une mémorable saillie pour illustrer ce qu’il pensait des enseignants de maternelle : «Est-ce qu’il est logique de faire passer des concours bac + 5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ?» Il avait dû s’excuser. Mais il avait poursuivi sa politique de réduction drastique de la scolarisation des moins de trois ans - passée de 34,8% il y a dix ans à 15,2% aujourd’hui au niveau national. Le ministère prévoit encore d’accélérer et de tasser un peu plus les classes : 27 élèves pour les maternelles relevant de l’éducation prioritaire, 32 pour les autres.
Pour les recteurs qui hésiteraient, les auteurs de la fiche argumentent : «Les études ne démontrent pas que la scolarisation à deux ans constitue un avantage évident dans toutes les situations par rapport à d’autres modes de garde alternatifs.» En réalité, les études ont conclu à l’utilité d’une scolarisation précoce, surtout pour les enfants de milieux défavorisés. Les élèves les plus fragiles pourraient être les premières victimes. 
   
   
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Source : Libération
  
Photo Lionel Charrier. Myop
Documents (en pdf) qui ont «fuité» dans la presse :
- Le plan pour la réduction des postes.
- La fiche sur la suppression des Rased, ces enseignants spécialisés.
- La fiche sur l'augmentation de la taille des classes en primaire.
  

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